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Tribune Collective

Tribune de parlementaires demandant au Président de la République et l’Union Européenne d’agir par les voies diplomatiques et juridiques contre les procès expéditifs de prisonniers politiques en Iran pouvant conduire à de nombreuses exécutions arbitraires

© Baboo

Après la mort de Jina Mahsa Amini, tuée le 16 septembre 2022 par la police des mœurs iranienne pour port du voile inapproprié, un vaste mouvement de protestation contre la République islamique d’une ampleur inédite a pris forme, autour du slogan « femme, vie, liberté ».

 

Les Iraniennes et Iraniens demandent l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect des droits humains, la liberté individuelle, le respect des droits des minorités ethniques, et la justice sociale.

Initiées par les habitants de la ville dont était originaire Jina Mahsa et les femmes, ces protestations se sont étendues à tout le pays et à toutes les classes sociales. Le régime iranien tente depuis plusieurs semaines d’étouffer le mouvement en usant de la plus grande violence. Les forces de sécurité de la République islamique tirent sur les manifestants, y compris sur les enfants. Les arrestations se multiplient.

 

A ce jour, selon l’ONG des droits de l’Homme en Iran (IHR) basée à Oslo, 304 personnes ont été tuées dont 41 enfants. Plus de 14 000 personnes ont été arrêtées selon un représentant des Nations Unies cité par CNN. En prison, les détenus sont battus, parfois à mort, violés et torturés. Après l’incendie de la prison d’Evin à Téhéran le 15 octobre, Amnesty international a rappelé la nécessité de protéger les prisonniers contre « les nouveaux homicides illégaux, la torture et d’autres mauvais traitements ».

 

Il serait difficile d’évoquer chacune des victimes mais il est impossible de s’en tenir à l’abstraction des chiffres, alors nous en citerons quelques-unes afin d’illustrer la violence de la répression : la jeune Nika Shahkarami, fan de rock, âgée de 16 ans, dont le corps n’a été rendu à sa famille qu’après 10 jours, puis volé par les forces de sécurité. La petite Mona Naghib, âgée de 8 ans, tuée sur le chemin de l’école. Shirin Alizadeh, âgée de 35 ans, abattue dans sa voiture, sous les yeux de son fils de 7 ans, alors qu’elle filmait la brutalité des forces de polices à l’égard des manifestants. Esmail Mouloudi, tué alors qu’il se rendait au cimetière pour le 40ème jour du deuil de Jina Mahsa. Dariush Alizadeh qu’un policier a abattu d’une balle dans la tête alors qu’il klaxonnait en soutien aux manifestants. Dariush avait dit à ses proches : « Si je meurs, ne m’offrez pas de condoléances, continuez la révolution ».

 

Privés du droit de manifester, les Iraniennes et les Iraniens utilisent le traditionnel quarantième jour de deuil pour se rassembler. C’est ainsi que le 26 octobre près de 10 000 personnes se sont rendues au cimetière de Saqqez où est enterrée Jina Mahsa Amini. Jeudi 3 novembre à Karaj, des milliers de personnes se sont rendues au cimetière où Hadis Najafi, manifestante de 23 ans assassinée par les agents du régime, est enterrée. En participant à ces rassemblements, chaque manifestant risque sa vie et se retrouve confronté à la violence des forces de sécurité.

 

Malgré la répression, des rassemblements continuent de se tenir quotidiennement dans les universités du pays, des manifestations ont lieu dans diverses provinces, des raffineries sont en grève, les commerces du bazar de Téhéran ont tiré le rideau le jour du 40ème anniversaire de la mort de Jina Mahsa, des lycéennes et des collégiennes se photographient défiant le régime, des femmes marchent dans la rue sans voile.

 

Le courage de ces femmes, ces hommes et ces enfants force l’admiration partout dans le monde.

 

Dans les pays européens, aux Etats-Unis et au Canada, les Iraniens de la diaspora avec le soutien de la société civile dans sa globalité, expriment tous les week-end leur soutien à leurs compatriotes. Une manifestation à Berlin a récemment rassemblé près de 100 000 personnes.

Face à cette contestation qui perdure et la remise en cause du régime, la République islamique a annoncé par la voix du chef des gardiens de la révolution qu’elle allait intensifier sa répression. Le général Hossein Salami a ainsi déclaré samedi 29 octobre : « ne descendez plus dans la rue ».

Cette mise en garde s’est traduite par une multiplication des arrestations arbitraires et violentes, notamment de personnalités iraniennes populaires soutenant les manifestants. C’est ainsi que le rappeur Toomaj Salehi, l’une des voix importantes du mouvement a été arrêté et serait selon sa famille sous la torture la plus sévère.

Cette intensification de la répression s’est également traduite par l’organisation de « procès » collectifs et expéditifs, sans le moindre respect des droits de la défense, pouvant conduire à des sentences de mort. L’autorité judiciaire iranienne a annoncé que des procès se tiendront pour mille personnes arrêtées durant les manifestations dans la province de Téhéran et mille autres ailleurs. Parmi elles, on compte de nombreux avocats et des journalistes.

Le procès de sept premières personnes, accusées de crime passible de la peine capitale s’est ouvert le 29 octobre, selon l’agence de l’autorité judiciaire. D’ores et déjà, Mohammad Ghobadlou, 22 ans, accusé de « corruption sur terre », interrogé sans la présence de son avocat, a été condamné après une audience expéditive devant un juge unique selon sa mère, qui a demandé à tous les citoyens du monde de l’aider à sauver son fils unique.

Selon l’ONG Human rights watch « des milliers de militants détenus sont en situation de danger ». Certaines charges retenues contre les manifestants dans le cadre de procès inéquitables comportent en effet le risque d’une condamnation à mort. Selon les informations communiquées par des avocats iraniens, cinquante personnes encourent la peine de mort par pendaison, à l’abri des regards de la communauté internationale.

Le gouvernement iranien s’engage donc dans une stratégie de terreur à l’égard de sa population afin de contenir le mouvement qui s’est désormais transformé en processus révolutionnaire et libéral.

Les Iraniennes et Iraniens pressent aujourd’hui les démocraties occidentales, les Etats libres, d’être à leurs côtés dans ce moment historique. Ils nous disent que les timides prises de parole ne suffisent plus.

Dès lors, nous demandons au président de la République française de faire toute diligence tant diplomatique que juridique aux fins de préserver les droits humains et faire cesser les exécutions et arrestations arbitraires en Iran.

En particulier, nous lui demandons de :

- Convoquer l’ambassadeur d’Iran en France pour lui signifier l’opposition ferme de la France à toute exécution de prisonniers politiques,

- Rappeler l’ambassadeur de France en Iran et fermer l’ambassade de France à Téhéran,

- Inscrire le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique sur la liste des organisations terroristes à l’instar de l’Allemagne,

- Solliciter une session extraordinaire auprès du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies afin d’enquêter sur les exactions commises par la République islamique à l’encontre du peuple iranien.

Les négociations sur le nucléaire iranien ne doivent pas mettre de côté la question des droits humains en Iran. Dans chaque négociation avec l’Iran, l’attachement de la France au respect des droits humains doit être rappelé.

Nous demandons également à l’Union Européenne, de prendre des sanctions plus sévères et surtout plus étendues à l’égard des dignitaires du régime iranien et des différents organes qui organisent la répression. Elles ne peuvent pas rester symboliques. Rappelons qu’à ce stade, seules onze personnes sont visées par des sanctions.

 

Toutes les dictatures ont besoin de silence pour prospérer et perdurer. Aussi, la France et la communauté internationale ne doivent plus se taire.

Auteur.trice.s :

Collectif Azadi4Iran

Azadi4Iran.Paris@gmail.com

Signataires :

Emilie CHANDLER, députée

David CORMAND, député européen

Cyrielle CHATELAIN, députée

Olivier FAURE, député

Marie-Charlotte GARIN, députée

Sylvie GUILLAUME, députée européenne 

Hubert JULIEN-LAFERRIERE, député et membre de la commission des affaires étrangères

Julie LAERNOS, députée

Benjamin LUCAS, député

Aminata NIAKATE, présidente d’Ensemble contre la peine de mort et membre du CESE Francesca PASQUINI, députée

Sébastien PEYTAVIE, député

Laurence ROSSIGNOL, Vice-Présidente du Sénat et Présidente de l’Assemblée des Femmes

Mounir SATOURI, député européen

Sabrina SEBAIHI, députée

Sandra REGOL, députée

Aurélien TACHE, député

Sophie TAILLÉ-POLIAN, députée

Mélanie VOGEL, sénatrice

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